Épinard 🌳#62 - Ultra-riches ; ultra-problématiques
Je ne parle pas de politique, mais de climat.
Hello 🌳
Aujourd’hui je vais vous parler d’injustice climatique. Il y a tellement, tellement, à dire sur le sujet.
Alors je mets direct les pieds dans le plat : il n’existe pas de lutte contre le changement climatique sans lutte sociale.
Les inégalités grandissantes entre les pays du Nord global et du Sud global, mais aussi entre les populations pauvres et les ultra-riches (salut Musk et compagnie) exacerbent les conséquences des aléas climatiques.
Et qui est-ce qui trinque face aux incendies ravageurs, aux inondations de plus en plus fréquentes et aux sécheresses de plus en plus longues ?
Les populations marginalisées : femmes et enfants, personnes racisées, populations pauvres, pays non occidentaux.
Dans cette édition on va parler d’injustice climatique entre les pays, mais aussi d’injustices sociales qui existent au sein d’un même pays.
Un sacré programme (toujours pas politique) !
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Gaël
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Le réchauffement climatique est injuste.
Ce n’est pas parce que l’on émet peu d’émissions que l’on ne sera pas impacté par le réchauffement climatique.
Et ce n’est pas parce que l’on émet beaucoup d’émissions que le réchauffement climatique nous touchera en premier.
C’est même tout à fait l’inverse.
Les inondations, les tempêtes, les feux, les sécheresses, les pénuries agricoles et d’eau touchent déjà plus fortement les pays du Sud. Pourtant, ce sont les pays riches qui émettent le plus d’émissions de CO2 et ce sont eux qui vont moins en subir les conséquences.
Aujourd’hui, on peut voir que le réchauffement climatique met en exergue trois inégalités :
— les inégalités de production d’émissions de CO2
— les inégalités des pertes liées au réchauffement climatique
— les inégalités dans les capacités financières à faire face aux aléas
Des inégalités géographiques et historiques.
Le changement climatique renforce les inégalités déjà présentes.
Philip Alston, dans un rapport sur les conséquences sociales du réchauffement climatique présenté au Conseil des Droits de l’Homme à l’ONU en 2019 parle même d’”apartheid climatique”.
D’un côté il y a les riches qui continuent de s’enrichir et pourront faire face aux changements en payant pour la climatisation et en ayant les moyens de fuir les températures extrêmes et les différentes catastrophes. (Les fameux bunkers, tout ça tout ça).
Tandis que de l’autre côté, il y a les pauvres qui subissent déjà les aléas climatiques de plein fouet.
Les pays du Sud global, les petits États insulaires et d’autres pays vulnérables subissent déjà ces changements au quotidien. Alors que ce ne sont clairement pas ceux qui épuisent les ressources ou émettent le plus.
Parmi les pays les plus vulnérables :
→ Le Bangladesh est extrêmement touché par la montée du niveau de la mer et les cyclones.
Émissions de CO2 par habitant·e : environ 0,5 tonne par an.
→ La Somalie est confrontée à des sécheresses récurrentes et à des inondations qui exacerbent l’insécurité alimentaire et les déplacements de la population.
Émissions de CO2 par habitant·e : inférieures à 0,1 tonne par an.
→ Les îles du Pacifique sont menacées de disparaître totalement sous les eaux à cause de l’élévation rapide du niveau de la mer.
Ses émissions de CO2 représentent 0,03 % des émissions mondiales.
Les disparités sont énormes, tant d’un point de vue économique que climatique car les pays pauvres émettent 2 000 fois moins de gaz à effet de serre que les pays les plus riches.
Voici quelques chiffres pour donner un ordre de grandeur des émissions liés à la consommation énergétique (l’empreinte totale est donc supérieure) :
— Le Qatar : 37,6 tonnes équivalent CO2 par habitant·e.
— Les Émirats Arabes Unis : 25,8 teq CO2 par habitant·e.
— L’Australie : 15 teq CO2 par habitant·e.
— Les États-Unis : 14,9.
— Le Canada : 14,2.
— La France : 4,6 teq CO2 (toutes émissions confondues, la France est à ~10 t CO2eq)
L’injustice climatique est encore plus flagrante quand on sait que les pays à revenus élevés représentent seulement 16% de la population mondiale mais génèrent 31 % des émissions de gaz à effet de serre.
Les États-Unis avec ses 4% de la population représentent 12,5 % de ces émissions.
Et l’Europe avec 6% de la population se situe à 7% des émissions.
La conséquence ? D’ici 2050, 140 millions de personnes pourraient être sans abri dans les pays les plus pauvres. Et ce à cause du changement climatique…
Des disparités au sein d’un même pays
Les inégalités sociales existent dans le monde, mais également au sein d’un seul et même pays.
Le rapport Inégalités climatiques 2023 du World Inequality Lab met en avant le fait que les inégalités climatiques sont maintenant plus importantes au sein d’un pays et que c’est une tendance qui s’est inversée ces dernières années.
La faute à qui ? Aux ultra-riches.
Ainsi, la lutte contre le changement climatique et l’éradication de la pauvreté sont en réalité les deux revers d’une même pièce. Ce ne sont pas des crises qui n’existent pas par elles-mêmes, elles sont imbriquées.
C’est un système systémique (pour ne pas dire “capitalisme”) qui permet aux plus riches de s’enrichir tandis que les pauvres s’appauvrissent.
— Dans les pays développés, les personnes à faible revenu contribuent bien moins à la crise climatique que les plus riches dans les pays en développement.
— Parmi les 50% les plus pauvres, 75 % subiraient des pertes de revenus liées au changement climatique et seuls 2% seraient en capacité de financer des changements pour y faire face.
— Parmi les 10% des plus riches, 3 % feraient face à des pertes de revenus liées au changement climatique et 76 % seraient en capacité de financer des changements pour les contrer.
Concrètement, comment ça se traduit au quotidien ?
Des lieux de vie plus exposés aux inondations, à la montée des eaux ou aux canicules urbaines.
En France, les quartiers populaires sont symptomatiques de ces inégalités sociales et écologiques. Vraies fournaises l’été, ce sont également des endroits où l’air est plus pollué et les rues moins végétalisées.
La lutte contre le changement climatique est loin d’être la première préoccupation, à raison quand le quotidien est déjà teinté d’inégalités.
Comme le souligne Rania Daki, Cofondatrice de La Jeunesse Populaire et militante au sein de Ghett’up :
« Greta Thunberg ne me ressemblait pas. Et puis, on nous disait de trier les déchets, mais chez nous, il n’y avait pas de poubelles de tri. J’avais écrit au bailleur, il n’a jamais répondu. »
À l’échelle de la planète, les populations plus vulnérables subissent en premier les catastrophes naturelles car elles occupent les terres et les lieux les plus exposés aux risques climatiques comme les glissements de terrain, les sécheresses, les pénuries d’eau, les inondations, la montée des eaux…
Des ménages modestes qui ne peuvent faire autrement.
Banlieues ou non, ce sont les milieux modestes qui subiront de plein fouet les aléas climatiques parce qu’ils n’ont pas les moyens :
— De fuir leur lieu d’habitation pour aller dans une résidence secondaire à la campagne ou autre endroit loin des chaleurs estivales.
— D’installer une climatisation ou de faire des travaux d’isolation pour moins subir les vagues de chaleur estivales ou de froid l’hiver.
— De reconstruire leur vie en cas de catastrophe naturelle.
— De changer leur véhicule pour une voiture électrique ou de payer un billet de train 3x plus cher qu’un transport en voiture.
Si vous êtes toujours sceptique et aimez les chiffres :
— En France, les 10 % les plus pauvres émettent 4,3 tCO2/an VS 21,6 tonnes pour les 10% les plus riches. C’est quasiment 5 fois plus. (Carbone4, 2022).
— Pour atteindre les objectifs climatiques de 2030 et rester sous la barre des 1,5°, les 1% des Français les plus riches doivent diviser par 10 leurs émissions tandis que les 50% les plus pauvres doivent les réduire d’1/4 seulement pour arriver à 2,8 tonnes de CO2/personne.
Bref, vous l’aurez compris : les ultra-riches polluent. Beaucoup.
Et pas seulement par leur train de vie, mais aussi par les entreprises qu’ils ont créées ou dans lesquelles ils investissent.
Pourtant, ce ne sont pas eux qui vont subir les aléas de leurs actions.
L’écologie n’est pas qu’une préoccupation de privilégié·es.
Elle doit aller de pair avec la justice sociale.
Comment régler ce problème ?
Au moins 3 leviers peuvent être mis en place, idéalement de façon coordonnée.
1- Le levier fiscal
En bon français (ou Européen), on pense souvent à :
— Mettre en place un ISF Climatique pour taxer le patrimoine et la quantité de CO2 contenu par ce dernier.
— Taxer les dividendes des entreprises qui ne respectent pas l’Accord de Paris.
— Mettre fin aux niches fiscales ultra-polluantes comme la non-taxation du kérosène aérien.
2 - Antitrust, te revoilà
Cette situation où quelques-uns ont une maîtrise quasi pleine de la politique et de l’économie, n’est pas inédite dans l’histoire de l’humanité.
Et la réponse à apporter nous vient des Etats-Unis.
À la fin du XIXe siècle, face à la montée en puissance de trusts industriels, la Cour suprême a ordonné le démantèlement de la Standard Oil, jugeant que l’entreprise abusait de sa position dominante.
Ce moment-clé de régulation publique fait écho à la situation actuelle : aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les majors pétrolières mais aussi certains multimilliardaires et grandes entreprises technologiques qui concentrent un pouvoir immense, souvent au détriment du climat.
Alors que l’urgence écologique impose des transformations systémiques, la question d’un nouveau "moment antitrust" – climatique cette fois – se pose avec acuité.
3 - L’investissement
Que ce soit au niveau local ou mondial, notre système actuel concentre les richesses dans les pays (et les quartiers) les plus riches.
L’investissement permet de les redéployer vers des lieux qui en ont davantage besoin.
Voici quelques exemples à différentes échelles :
Au niveau mondial, le fonds Gigaton de Mirova vise à financer des projets d’infrastructure dans les pays émergents avec le soutien des institutionnels des pays du Nord.
En France, plusieurs foncières solidaires travaillent sur le logement social et notamment leur rénovation pour les adapter au changement climatique.
Partout, l’économie sociale et solidaire sous toutes ses formes (associatifs, coopératif, entrepreneunariale) cherche régulièrement à mobiliser des fonds pour financer leur action.
Et au-delà des investissements, la plupart des associations travaillant sur ces sujets acceptent les dons.
Conclusion
Un pas de côté, à nouveau dans cette édition.
Et encore, je n’ai pas abordé le concept de dette climatique, selon lequel nous avons “emprunté” des émissions de CO2 qu’il faudra bien “rembourser” aux pays qui n’en ont pas bénéficié. Ça, c’est pour une prochaine édition.
Si tu as encore quelques minutes, je t’invite à remplir le questionnaire construit par Charlotte, Doctorante à Dauphine, qui cherche à comprendre les besoins et les attentes des investisseurs responsables.
On se retrouve dans deux semaines pour une nouvelle édition.
PS 1 : Si tu souhaites être accompagné(e) dans tes investissements, réserve une consultation ici
PS 2 : Toutes les éditions précédentes sont dispos ici.
👋
Gaël 🌳
⚠️ Et pour finir : Je voudrais te rappeler qu’ici tu ne trouveras pas de conseils d'investissement ni de recommandations personnalisées. Ces informations sont impersonnelles, uniquement à but informatif et pédagogique et ne sont pas adaptées aux besoins d'investissement d'une personne spécifique.Tu dois aussi garder en tête qu’investir dans des actifs cotés ou non cotés comporte un risque de perte partielle ou totale des montants investis ainsi qu'un risque d'illiquidité.Et enfin, le traitement fiscal d’un investissement dépend de la situation individuelle de chacun. Souviens-toi que les performances passées ne préjugent pas des performances futures.