Épinard 🌳#52 - Biocarburants, l'envol ? 🛫
La décarbonation de l’aviation sans paroles en l’air.
Hello 🌳
La grisaille vous mine le moral, les collègues s’enrhument les uns après les autres, tout le monde parle des élections US et vous ne rêvez que d’une chose : de soleil et de sable fin.
Vous êtes à deux doigts de réserver le premier vol pour Bali avant d’être pris de flygskam : la honte de prendre l’avion.
Mais avec le développement des biocarburants, vous pourrez bientôt dire au revoir à cette culpabilité. Enfin, c’est ce que vous espérez.
Dans l’édition du jour, on va parler de la décarbonation de l’aviation : mirage ou réalité future ?
Accrochez votre ceinture, on risque de traverser une zone de turbulences.
2 PS aujourd’hui !
1er PS : On recrute avec La Crèmerie🥛: plusieurs offres de stages et une alternance à retrouver ici. Faites passer le mot, si vous connaissez quelqu’un qui connaît quelqu’un 😉
2ème PS : La table ronde organisée par Le Monde, c’est le mardi 19 novembre à 18h30 et il reste quelques places ICI
Ok c’est bon, on peut y aller !
Vamonos !
Gaël 🌳
Prenons de la hauteur sur le secteur
Prendre l’avion, ça pollue. Beaucoup.
Et si l’on veut rester sous les 2 tonnes de CO2/personne vivement recommandées par l’accord de Paris, il va falloir réfléchir plus en profondeur à la place que prend l’avion dans nos vies.
Quand on sait que ce moyen de transport est utilisé à 70 % pour le loisir ou voir sa famille et à 20% pour le travail, on se dit que cet usage récréatif peut largement être diminué.
À ce jour, les avions utilisent du kérosène comme carburant, dérivé d’énergies fossiles et donc très polluant. En moyenne, il émet 3,01kg de CO2 par litre et 84% de ces émissions surviennent lors de sa consommation (en vol, donc).
Je vous remets là, cette super infographie de Bon Pote
C’est sans compter l’impact sur :
la pollution de l’air
l’artificialisation des sols
la réduction de la biodiversité
la pollution sonore
Bref, parler de l’avion, c’est froisser des plumes.
Mais avec l’émergence des biocarburants, la question se pose quant à la réduction des émissions liées aux trajets en l’air.
⚗️Les biocarburants : changement de cap ?
Appelés SAF en anglais (Sustainable Aviation Fuels) ou CAD en français (Carburants d’Aviation Durables), les carburants durables pointent le bout de leur nez.
Aujourd’hui, je vais principalement vous parler des biocarburants qui font partie de ces CAD, tout comme les électrocaburants que je mentionnerai seulement.
Les biocarburants nous intéressent tout particulièrement car, à première vue, ils semblent prometteurs.
Qu’est-ce que c’est exactement ?
Comme son nom l’indique, ce sont des carburants fabriqués à partir de matières organiques renouvelables (souvent des plantes ou des déchets organiques).
On retrouve deux catégories distinctes :
Les biocarburants de première génération qui sont fabriqués à partir de cultures alimentaires comme la canne à sucre, le maïs, le soja, la palme, les différentes graisses de cuisson ou huiles végétales…
Les biocarburants de deuxième génération qui sont produits à partir de déchets agricoles, de résidus forestiers ou de déchets municipaux...
Pour les produire, il existe plusieurs manières de s’y prendre - attention arrivée imminente d’un cours de chimie - :
Le procédé HEFA (Hydroprocessed Esters and Fatty Acids).
C'est actuellement la méthode la plus courante pour produire des biocarburants pour l'aviation.
Les matières premières incluent :
Huiles végétales comme l'huile de palme ou l'huile de soja
Huiles usagées comme l'huile de cuisson
Graisses animales telles que le suif
Les matières grasses sont traitées par hydrogénation, une réaction chimique qui élimine les impuretés et transforme les esters et acides gras en hydrocarbures.
Ce procédé produit un carburant qui a des propriétés similaires au kérosène.
Le procédé ATJ (Alcohol to Jet)
Ce procédé transforme des alcools comme l'éthanol ou le butanol, produits à partir de biomasse, en carburant d'aviation grâce à leur déshydratation.
Ce sont souvent les sucres végétaux, qui viennent de la canne à sucre ou du maïs qui sont transformés.
Le procédé Fisher-Tropsch (FT)
Cette technique est utilisée pour transformer la biomasse lignocellulosique en carburant.
Il peut utiliser des :
Déchets agricoles comme les résidus de maïs
Bois et résidus forestiers
Déchets municipaux solides
Cette technique utilise la gazéification pour convertir la biomasse en gaz de synthèse, via le procédé Fischer-Tropsch, qui est ensuite transformé en hydrocarbure liquide.
Ce processus permet de produire un carburant très pur, pouvant être mélangé au kérosène.
Les biocarburants : encore au vol d’essai
Les SAF en sont encore à leurs débuts. Même si Airbus annonce que ses flottes aéronautiques peuvent voler avec 50% de SAF mélangé au kérosène, ce n’est pas pour autant que les biocarburants sont majoritairement utilisés.
Loin de là.
Quelques chiffres évocateurs :
En 2022 : 300 millions de litres de SAF ont été produits
En 2023 : la production s’est élevée à 600 millions de litres
Oui, ce chiffre a doublé et c’est une bonne chose.
Mais cela représente seulement 0,2 % de l’ensemble du carburant d’aviation de l’année.
Pour autant, l’ambition est grande et la France veut remplacer le kérosène par :
2% de biocarburant en 2025
5 % de biocarburant en 2030
Et les vols qui partent des aéroports européens devront avoir 70% de SAF d’ici 2050.
Les avantages et les inconvénients de ces biocarburants
Les avantages
Si le déploiement des biocarburants est envisagé, c’est parce qu’il comporte quelques avantages quand il s’agit de réduire l’impact du secteur aéronautique.
Premièrement, les Carburants d’Avion Durable émettent beaucoup moins de CO2 que le kérosène.
L’ADEME parle de 65% en moins.
Aussi, les carburants traditionnels libèrent du carbone qui était stocké sous terre depuis longtemps tandis que les biocarburants utilisent du carbone qui fait déjà partie du cycle actuel du carbone dans l'environnement.
Deuxièmement, le développement de filières locales.
Trouver des graisses de cuisson, des huiles végétales ou de la biomasse organique peut se faire en France. Pas besoin d’aller exploiter du pétrole dans des pays lointains où se jouent des enjeux géopolitiques.
La France possède plusieurs bioraffineries capables de transformer les biomasses végétales en carburant utilisables dans l’aviation. La plus importante est celle de la Mède avec la production de 500 000 litres de carburant par an.
Troisièmement, les infrastructures en place dans les aéroports n’auraient pas besoin d’être remplacées pour utiliser les biocarburants. En plus de faciliter une adoption rapide, cela évite la construction de nouvelles structures et donc la limitation de l’empreinte environnementale globale.
Les inconvénients
Retour les pieds sur Terre.
La première chose que l’on peut noter quand on parle de ce sujet, c’est le problème de disponibilité et la mise en concurrence entre les usages.
Les biocarburants sont créés avec des ressources organiques, qui sont également utilisées dans d’autres secteurs comme l’alimentation. Les surfaces dédiées à la production de biocarburants entrent alors en compétition avec celles dédiées à l’alimentaire.
Cela pose aussi la question de la répartition des biocarburants pour d’autres secteurs comme le trafic routier ou encore maritime.
Pour faire face à cette problématique, il reste la solution des électrocarburants, ou e-carburants, qui sont fabriqués avec de l’hydrogène vert et de dioxyde de carbone capté dans l'atmosphère.
Le problème ? Leur besoin en électricité est parfois très fort et son impact est conséquent car souvent peu décarboné.
Face à cette contrainte de l’allocation des biocarburants se pose la question de la priorité :
Est-ce les courts/moyens/longs courriers qui devront utiliser les biocarburants ?
Est-ce que l’on va devoir justifier ses trajets (loisirs/famille/travail…) ?
Est-ce qu’il va même falloir choisir entre transport routier, aérien, secteur du bâtiment, transport maritime… ?
Surtout, si les avions actuels peuvent voler avec maximum de 50% de SAF mélangé au kérosène classique, cela ne supprime pas complètement les énergies fossiles.
Même si demain les nouveaux avions pouvaient voler avec 100% de SAF, quid des anciens appareils ? Mise à la casse ? Retrofit ?
Aussi, qu’en sera-t-il des vols hors de l’Union Européen ? (Oui, je pose beaucoup de questions).
Car les avions volent avec le carburant mis à disposition par le pays de départ du vol. Aller à Bali avec du SAF, mais revenir avec du kérosène classique, c’est un peu contreproductif, non ?
Il faudra donc développer des stations de biocarburants partout dans le monde, mais encore faut-il des lois et des soutiens gouvernementaux qui vont dans ce sens.
Et est-ce que ce sera une priorité pour les gouvernements locaux ?
Toutes ces interrogations amènent à d’autres questions globales sur le secteur même de l’aviation.
Parce qu’il ne faut pas oublier que le meilleur moyen, sur le court terme, pour réduire l’empreinte carbone est de réduire le trafic aérien.
Et donc de questionner son imaginaire de vacances à l’autre bout du monde.
Comment miser sur le secteur ?
Pour ceux qui souhaitent creuser les opportunités du secteur des SAF, voici trois stratégies :
1. Sélectionner les leaders du secteur dans votre portefeuille.
Bon, on ne va pas se le cacher, les entreprises en avance sur le sujet des SAF sont majoritairement des entreprises pétrolières.
Vous serez donc exposé aux énergies fossiles classiques.
Même le finlandais Neste Oyj, leader du secteur, ne réalise “que” 35% de son chiffre d’affaires avec les biocarburants contre ~40% pour du carburant fossile.
2. Trouver des fonds sur cette thématique
Ce n’est pas la panacée non plus…
Peu de fonds visent spécifiquement ce sujet, certains ciblent les matières premières liées aux biocarburants (Maïs, Soja, Sucre etc) mais cette classe d’actif est à réserver aux professionnels de l’investissement car elle est soumise à des mouvements de marchés difficilement appréhendable par les particuliers.
3. Miser sur les infrastructures
Qui dit nouveaux carburants, dit nouvelles usines (ou retrofit d’usine actuelle), dit besoin d’investissement dans les infrastructures.
Certains fonds se spécialisent dans le financement des infrastructures de la transition.
Même si pour l’instant, les premiers projets ont été financés directement par les entreprises (parfois avec l’aide des pouvoirs publics).
Conclusion
J’adorerai que l’aviation ait une empreinte minimale.
En réalisant les recherches pour cette édition, je me suis bien rendu compte que ça n’allait pas être pour demain si on mise uniquement sur les SAF.
Et comme il s’agit d’une activité principalement de “loisir”, elle ne doit pas être prioritaire dans l’utilisation des SAF.
Pas évident, d’écrire sur ce sujet de l’avion qui peut être très clivant pour certains. Alors dis-moi ce que tu en as pensé, juste en dessous.
On se retrouve dans deux semaines pour une nouvelle édition.
PS 1 : Si tu souhaites être accompagné(e) dans tes investissements, réserve une consultation ici
PS 2 : Toutes les éditions précédentes sont dispos ici.
👋
Gaël 🌳
⚠️ Et pour finir : Je voudrais te rappeler qu’ici tu ne trouveras pas de conseils d'investissement ni de recommandations personnalisées. Ces informations sont impersonnelles, uniquement à but informatif et pédagogique et ne sont pas adaptées aux besoins d'investissement d'une personne spécifique.Tu dois aussi garder en tête qu’investir dans des actifs cotés ou non cotés comporte un risque de perte partielle ou totale des montants investis ainsi qu'un risque d'illiquidité.Et enfin, le traitement fiscal d’un investissement dépend de la situation individuelle de chacun. Souviens-toi que les performances passées ne préjugent pas des performances futures.