Épinard 🌳#39 - Quotas CO2 : martingale de décarbonation ?
Empêcher d'émettre des GES et accélérer leur réduction en achetant des quotas carbone.
Hello 🌳
Aujourd’hui on va jouer les robins des bois du carbone !
40% de l’économie européenne est obligée d’acheter des “quotas carbone” à la hauteur de ses émissions de GES (1,4 Giga TCO2eq rien que ça).
Acheter un quota carbone et le conserver, c’est donc retirer à une entreprise la possibilité d’émettre une tonne de CO2 en plus.
Et ça, c’est à peine croyable quand on sait à quel point il est difficile de faire bouger les entreprises.
En tout cas, on va le voir, faire monter le prix des quotas carbone ne peut être que bénéfique pour la transition.
Je préviens, c’est un sujet un peu technique et pas très connu que j’ai essayé de vulgariser au maximum.
Prenons le temps de regarder ensemble :
🔍Qu’est-ce qu’un quota carbone ?
🤔La différence entre crédit carbone et quota carbone ?
📈Comment fonctionne le marché européen et ses limites
💰Comment il est possible de s’exposer à ce marché ?
Cette édition, ça fait plus d’un an que je l’ai en tête et elle n’aurait pas pu voir le jour sans les éclairages de Valentin que j’ai interviewé et qui a fondé Homaio (dont on reparle en fin d’édition). Un grand merci à lui !
PS : 🎥BIG NEWS, on va parler rentabilité extra-financière avec Arthur Auboeuf de Team for the Planet et Alice Lauriot de Tudigo le Jeudi 4 Avril à 12h30 !
Ça sera sous format webinar et on vous promet un échange sans concession !
À ne pas rater !
Let’s Go,
Gaël 🌳
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🔍Qu’est-ce qu’un quota carbone ?
Flashback.
Quand les gouvernements européens ont commencé à comprendre l’ampleur du changement climatique et des émissions de GES, ils ont décidé de créer : Le quota carbone.
Une limite annuelle d’émissions de GES que les sites industriels concernés ne peuvent pas dépasser.
Cela concerne 3 types d’activité :
Les installations industrielles, y compris les centrales électriques depuis 2005
L’aviation, pour les vols intra-europe, depuis 2013
et le transport maritime depuis 2024.
Quota carbone = pollueur-payeur
Aujourd’hui, c’est la société qui paye les conséquences des émissions, sous forme de catastrophes naturelles, de dégradation des infrastructures, de chute des rendements agricoles etc.
Pour inciter les entreprises à investir dans des technologies permettant de réduire les émissions, il fallait donc créer un “déclic”.
Comme la majorité des entreprises ne prennent des décisions uniquement sur une base économique, les quotas carbone sont venus réinternaliser le coût des émissions dans leurs bilans.
Ton entreprise émet des GES, elle doit acheter les quotas carbone équivalents.
C’est le principe du pollueur-payeur.
🤔Crédit carbone vs Quota carbone
Bien trop souvent, on confond les deux, mais le quota carbone n’a pas grand-chose à voir avec les crédits carbone :
Un crédit carbone est une unité de CO2 évité ou séquestrée par un projet (ex: reforestation, agriculture régénératrice etc).
Un quota carbone est un droit à émettre une tonne de CO2 dans un budget plafonné.
Le marché des crédits carbone est un marché volontaire. Certaines entreprises en achètent pour “compenser” les émissions qu’elles n’ont pas pu éviter. La disparité des projets de captation ou d’évitement créé une disparité des prix des crédits carbone.
On parle de quelques centimes à quelques milliers de dollars la tonne de CO2.
La grande limite du marché des crédits carbone reste la traçabilité. La plupart des projets ayant lieu loin des entreprises acheteuses, on a pu constater de nombreuses dérives (vente en double des mêmes “crédits”, pas de suivi des projets dans le temps…).
À l’opposé, le marché des quotas carbone est obligatoire pour les entreprises concernées. Elles doivent acheter les quotas équivalents à leurs émissions.
Et plus le quota coûte cher, plus ça devient intéressant pour l’entreprise de mettre en œuvre des solutions onéreuses de captation ou des nouveaux process de production moins émissifs.
📈Comment fonctionne le marché européen ?
Il existe plusieurs marchés de quota carbone avec des règles plus ou moins similaires.
Intéressons-nous à celui qui nous concerne directement : le marché européen.
Pour faire simple, à sa création en 2005, plusieurs principes fondateurs ont été posés :
un quota de départ et une trajectoire de réduction des quotas dans le temps
La mise en place d’un marché d’échange
Quota de départ et trajectoire de réduction
Chaque année un nombre limité de quotas est émis puis vendus aux enchères.
Au départ le nombre de quotas disponibles était suffisant pour couvrir l’ensemble des émissions de CO2.
Mais de suite, une trajectoire de réduction a été mise en place pour que d’année en année, il y ait de moins en moins de quotas disponibles.
Ainsi pour les prochaines années, le nombre de quotas et donc d’émissions autorisées baissera annuellement de 4,3%.
En 2024, c’est donc 87 millions de TCO2eq qui ne pourront plus être émises.
En 2030, ce mécanisme aura entraîné une réduction de -62% des émissions comparés à 2005.
Petit bonus, la trajectoire est régulièrement mise à jour, le pourcentage de baisse est ainsi passé de 1,73% de 2013 à 2020, puis 2,2% et depuis cette année 4,3%.
Le marché d’échange
Le deuxième élément fondateur est la création d’un marché d’échange.
Ainsi, une entreprise qui émet moins que prévue sur une année peut revendre ses quotas à une autre ayant besoin de quotas supplémentaires.
Ce marché à connu plusieurs évolutions pour garantir son bon fonctionnement, se rapprochant de ce que l’on connaît sur les marchés des matières premières.
Au niveau mondial, c’est l’équivalent de 1000Md de dollars de quota qui sont échangés pour une taille de marché de 200 milliards.
Les limites des quotas carbone
Même s’il est efficace, ce mécanisme des quotas carbone n’est pas parfait :
Le prix n’est pas corrélé au coût de l’impact
Tous les secteurs ne sont pas concernés
L’utilisation des revenus n’était pas fléchée avant 2024
Le prix n’est pas corrélé au coût de l’impact
C’est peut-être son principal défaut, une partie des quotas est distribuée gratuitement aux différents acteurs.
Au lancement du marché, c’était une décision politique pour ne pas trop “déstabiliser” les entreprises européennes en concurrence avec d’autres acteurs non soumis aux quotas carbone.
Sans rentrer dans le détail, la fin des émissions gratuites est prévue à partir de 2026 qui seront remplacées par un mécanisme de tarification du carbone aux frontières.
En attendant, le prix des quotas est donc faussement tiré vers le bas, ralentissant la transition.
Pour rappel, le GIEC avait estimé que pour tenir la trajectoire à 1,5°C le coût d’une tonne de carbone devrait se situer entre 170 et 290$ en 2030.
On est en encore loin sur le marché européen (cf ci-dessous).
Tous les secteurs ne sont pas concernés
Comme précisé dès le départ, 3 secteurs seulement sont concernés (industrie, aviation, maritime).
On peut déplorer qu’un secteur comme l’agriculture, fortement émetteur de GES avec 20% des émissions territoriales françaises, n’ait pas été inclus.
Des discussions sont en cours pour y rajouter les bâtiments et le transport routier.
L’utilisation des revenus n’est pas (encore) 100% fléchée
Il sert à quoi l’argent des quotas ?
Déjà, il faut voir que ça représente un petit pactole : 2,1 mds d’€ en France en 2023.
Jusqu’à présent les différents pays participants n’avaient pas trop d’obligations concernant ses revenus qui venaient s’ajouter au budget de l’Etat.
On aurait pu en faire des investissements dans la transition avec ça !
À partir de cette année, les revenus issus des quotas devront être 100% fléchés.
En France, en 2023, seuls 700 millions d’€ étaient fléchés vers l’ANAH qui gère MaPrimeRénov’, le reste allait au budget général.
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💰Investir dans le marché carbone ? Oui c’est possible
Si tu as bien suivi jusque-là, tu as compris que :
ce marché est plutôt destiné aux entreprises.
si on veut que les entreprises se bougent, il faut un prix fort du quota
plus on avancera dans le temps, moins il y aura de nouveau quota disponible à la vente : un phénomène de rareté par construction qui devrait pousser les prix à la hausse.
Quand j’ai compris ces quelques points, je me suis tout de suite posé les questions suivantes :
est-ce qu’on ne pourrait pas accélérer les choses à notre échelle ?
Ou a minima parier à la hausse sur l’évolution du prix d’un quota ?
Et bien, c’est possible !
Mais avant de te donner quelques idées sur le comment, quelques analyses pour comprendre ou tu vas potentiellement mettre les pieds.
Un marché très politique
Contrairement à la plupart des marchés que l’on connaît (bourses, matières premières…), le marché des quotas carbone ne repose sur aucun échange nécessaire au bon fonctionnement de l’économie (en tout cas à court terme). C’est un marché artificiel et donc soumis à la volonté des politiques qui l’ont mis en place et qui maîtrisent ses paramètres.
Le nombre de quota disponible, la trajectoire de réduction, les secteurs concernés sont tous des paramètres décidés au sein des instances européennes et qui ont une influence majeure sur le prix des quotas.
Si demain, les instances européennes devenaient moins “Climate Friendly”, on pourrait voir le prix des quotas s’effondrer.
Pour l’instant, ce n’est pas le cas, les paramètres ont toujours été revus en faveur du climat (ouf).
Un marché très politique (bis)
Vous trouvez que la transition ne va pas assez vite ?
Que la trajectoire de réduction n’est pas assez ambitieuse ?
En tant qu’investisseur vous pouvez retirer des quotas supplémentaires.
Plus le nombre de quotas disponible va se réduire, plus leur prix devrait être élevé.
Bonus : Plus un nombre élevé de quotas est retiré de la circulation, plus la trajectoire de réduction s’accélère les années suivantes.
C’est donc une manière forte d’utiliser son argent pour voir le monde que l’on veut vraiment.
Une liquidité qui tend vers 0
Dans un monde définitivement bas-carbone, on peut faire l’hypothèse que plus personne n’aura besoin de ces fameux quotas.
Qui voudra donc acheter des quotas ?
Sur un horizon très long terme, et sous réserve que la transition soit menée jusqu’à son terme, la liquidité des quotas deviendra donc nulle.
On est ici dans la fiction économique, mais c’est important d’avoir ce paradoxe en tête.
Pistes d’investissements autour du marché des quotas
Bon, autant vous dire qu’il n’y a pas 1000 solutions tellement ce marché est peu connu et pensé pour des investisseurs particuliers.
À date, j’en connais deux :
Des trackers qui reproduisent de manière plus ou moins fidèle le prix des quotas, mais ils sont difficilement accessibles via les plateformes usuelles :
L’ETC HANetf SparkChange Physical Carbon EUA qui reproduit le prix des quotas européens aux frais près. C’est un ETC à réplication physique, donc plus le volume de cet ETC augmente, plus le nombre de quotas retirés augmente (Parmi toutes les plateformes que j’utilise, c’est le seul que j’ai trouvé de dispo - en l’occurrence sur Scalable Capital)
D’autres ETF ont été créés sur le sujet notamment par KraneShares ou Wisdomtree mais encore plus difficilement accessible.
Homaio, fondé par Valentin, qui a pour but de démocratiser l’accès a des actifs qui permettent la décarbonation.
Et pour commencer, il s’est justement attaqué aux quotas carbone européen.
L’investissement se fait sous forme d’obligations qui “encapsule” les fameux quotas et les retire donc du marché (et donc d’empêcher les entreprises d’en émettre).
Attention, ce marché étant peu conventionnel par sa nature et son fonctionnement, n’investissez que ce que vous êtes prêts à perdre.
🔎 Pour ceux qui souhaitent creuser un peu plus ce sujet et ce marché. L'équipe d'Homaio a rédigé un guide complet, téléchargeable ici.
Conclusion
Je me suis volontairement bridé sur cette édition tellement ce sujet est à la fois hyper intéressant mais tellement complexe et éloigné de notre quotidien.
Il y a plein de sujets à explorer sur la trajectoire de réduction, l’utilisation des revenus des enchères, les conséquences de la thésaurisation des quotas, les émissions comptabilisées vs les émissions réelles…
Bref si cette édition t’a plu et que tu souhaites en savoir plus, fais-le moi savoir à travers le sondage ci-dessous. 👇
On se retrouve dans deux semaines pour une nouvelle édition.
PS 1: Si tu souhaites être accompagné(e) dans tes investissements, réserve une consultation ici
PS 2 : Toutes les éditions précédentes sont dispos ici. Elles sont rangées par grand thème pour que tu puisses t'y retrouver facilement.
👋
Gaël 🌳
⚠️ Et pour finir : Je voudrais te rappeler qu’ici tu ne trouveras pas de conseils d'investissement ni de recommandations personnalisées. Ces informations sont impersonnelles, uniquement à but informatif et pédagogique et ne sont pas adaptées aux besoins d'investissement d'une personne spécifique.Tu dois aussi garder en tête qu’investir dans des actifs cotés ou non cotés comporte un risque de perte partielle ou totale des montants investis ainsi qu'un risque d'illiquidité.Et enfin, le traitement fiscal d’un investissement dépend de la situation individuelle de chacun. Souviens-toi que les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Que se passe-t-il quand il n'y a plus de quotas à acheter et que les entreprises émettent quand même ? Elles sont sanctionnées ?